..:: Dogville ::..




Dogville


Lars von Trier,
Danemark (Zentreuropa Entertainments),
2003.
2h45.
Avec :
Nicole Kidman (Grace),
Paul Bettany (Tom Edison),
Stellan Skarsgard (Chuck),
Lauren Bacall (Ma Ginger).

site officiel : www.dogville.dk




Dogville, petite ville des Rocheuses, dans les années 1930. Un soir, des coups de feu éclatent, une jeune femme, Grace (Nicole Kidman), poursuivie par des gangsters, vient se réfugier dans la ville.

Comment va-t-elle s’intégrer à la population locale ? Quelles vont être les réactions de la population quand la police commencera à s’intéresser à la mystérieuse fugitive ? Le film répond à ces questions en un prologue et neuf chapitres.



Ce qui marque en premier lieu dans ce film, c’est la rigueur visuelle imposée par le cinéaste du Dogme (la caméra est portée à la main), rigueur dont l'objectif est que le spectateur reste concentré sur l’action, les réactions des personnages et le jeu des acteurs. Le découpage en chapitres, dont les titres annoncent ce qui va se passer, permet de se focaliser plus sur comment les évènements s’enchaînent et les réactions des personnages, que sur les évènements eux-mêmes. Un narrateur invisible commente les images et approfondit la perception que l’on a des individus qui sont « étudiés ».

D’autre part, et c’est un élément qui peut dérouter le spectateur au début, les « maisons » de Dogville, réunies autour de la rue principale, Elmstreet, ne sont matérialisées que par des traits blancs dessinés sur un grand plateau de théâtre noir. La quasi-absence de décor et d’accessoires est compensée par les bruitages.




Nicole Kidman Dans ce film, Lars von Trier détruit le mythe de l’American Dream en montrant l’échec de l’intégration de l’étranger, et révèle la réalité qui se cache sous le vernis des généreuses valeurs américaines. Dans ce village, les maisons n’ont pas de murs, tout le monde sait tout sur tout le monde, rien n’est caché. Ce qui peut sembler au premier abord être le signe d’une ouverture se révèle peu à peu comme la preuve d’une hypocrisie générale (tout le monde sait ce qui se passe, mais personne ne réagit), puis un élément menant à un totalitarisme libéral. Ce village si ouvert a été théorisé par le penseur libéral Bentham (Le Panoptique) comme la voie vers la liberté par l’intériorisation des normes grâce au contrôle social permanent. A Dogville, le Panoptique se révèle être un totalitarisme. Le contrôle
social mène à une négation de l’individu, observé, scruté en permanence, et contraint d’endurer l’arbitraire du groupe, ce dernier se drapant dans la générosité des valeurs américaines.

Ces valeurs américaines ne sont qu’un vernis.

Un vernis qui présente le meilleur aspect du monde à l’extérieur, mais qui ne fait que masquer la sauvagerie des hommes, intacte sous l’épaisse couche, et qui se déchaîne peu à peu contre cette étrangère qui voulait les aider, mais apporte un regard extérieur qui les gène.

Ce vernis veut nous faire croire que cette barbarie, que ces comportements individuels (tout dans le libéralisme est individuel) sont le fait de victimes, qu’il faut comprendre et pardonner.

Il ne fait que nous cacher des comportements de chiens, réunis en meute et qui s’acharnent sur celle qui voulait les comprendre, si possible les aider, mais dont l’échec était inévitable.




Dogville est un chef-d’œuvre. Sur le plan formel, Lars von Trier a quitté les excès du Dogme, tout en restant fidèle à ses principes et voulant toujours renouveler le cinéma. Les techniques du Dogme utilisées ici font mouche. Le minimalisme du décor rend le message du film d’autant plus percutant, la caméra portée à l’épaule crée une atmosphère oppressante, comme dans Dancer in the Dark, le tout ne faisant que mettre en avant le jeu, fantastique, de Nicole Kidman, qui vient transcender le film. A noter aussi, l’apparition, dans le rôle de Ma Ginger, de Lauren Bacall.



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